Il y a des livres qui nous émeuvent et qui, une fois la dernière page tournée, continuent de résonner en nous. « Le judas » d’Abdala Koné est de ceux-là. Un recueil de nouvelles qui nous plonge au cœur de relations où l’amour, reflet des fantasmes et des rêves d’une époque, mais aussi de ses normes et de ses interdits, se vit dans tous ses états.
Le judas. Un titre qui à lui tout seul pourrait abuser le lecteur. L’orienter vers l’idée que le recueil de nouvelles d’Abdala Koné s’est construit autour de l’histoire du personnage biblique. Que non ! Il ne s’agit nullement ici de récits s’inspirants de Judas, le surnommé « l’Iscariote ». L’homme qui, selon la Bible, a trahi Jésus, son Maître et l’a livré à la mort.
Le judas,
titre éponyme du recueil de nouvelles, nous renvoie à une « petite ouverture
pratiquée dans une porte, qui permet de voir sans être vu ».
Un trou qui
donne accès à des intimités. Nous voici de plain-pied dans une réflexion sur
l’amour et ses liens collatéraux.
L’amour, on
le sait, est un sujet indémodable. Inépuisable… De Tristan et Yseult, en
passant par Roméo et Juliette jusqu’à aujourd’hui, l’amour est toujours
sublimé. Pourtant, le sentiment amoureux est constamment en mutation. Il évolue
au même rythme que la société dans laquelle il prend place, suivant les valeurs
dominantes et les contraintes socioéconomiques.
Abdala Koné
qui a le regard outillé, le promène par le trou d’une porte. Il épie la vie des
hommes et des femmes. Loin des clichés et des catalogages.
Et nous en
apprend sur les relations amoureuses et sexuelles.
A la page
11, il poétise : « Tes seins tendus, hérissés aux bouts noirs, accentués par
ton teint doré, étaient assortis à tes lèvres de femme Peule. Tu étais couchée,
abandonnée à Morphée, pervers, qui te tenait ainsi dans cette tenue d’Ève ! »
Abdala Koné
donne ici à l’érotisme toute sa place. Le désir de s’expulser dans son
partenaire, comme ultime acte libérateur et l’infidélité s’enchaînent et se
superposent d’un personnage à un autre. Des récits qui se terminent en cascades
: un coup de matraque, une verge tranchée, des pleurs, etc.
Banals ou
épiques, ses récits se déploient enivrants au fil des pages. Permettant au
lecteur une plongée dans les sentiments des différents protagonistes. Les
images qui défilent sont si bien dépeintes qu’elles se dessinent nettement, à
la manière d’un film.
Est-il
besoin de le dire ? Abdala Koné sait faire l’amour aux mots… Entrecroisant les
différents récits, il joue avec les codes narratifs. Comme en témoigne la
densité flamboyante de l’écriture et des métaphores que recèle Le judas. Un
texte qui laisse étinceler à chaque page toutes les facettes du talent de ce
jeune auteur.
Serge Grah (journaliste-écrivain,
contributeur)
Le
judas, Abdala Koné
Les
Editions E’star 2023, 104 pages