S’affranchir de la dépendance : vers une souveraineté économique assumée
Réunis à Abidjan, chefs d’État, décideurs économiques, partenaires internationaux et experts examinent une stratégie résolument tournée vers l’intérieur. Le capital africain, qu’il soit humain, naturel, financier ou commercial, n’est plus considéré comme un simple point de départ, mais plutôt comme le moteur central de la transformation structurelle à venir.
À travers ce thème, la BAD a pour ambition de passer d’une logique d’assistance à une logique de puissance. L’idée n’est pas de rejeter les capitaux extérieurs. La Banque africaine de développement entend les subordonner à une stratégie africaine cohérente, qui valorise d’abord les ressources endogènes.
Le capital humain, par exemple, devient un axe prioritaire. Le continent africain dispose de la population la plus jeune du monde, pourtant celle-ci reste sous-formée, sous-employée, et trop souvent sous-valorisée. La BAD veut faire du numérique et de l’innovation les catalyseurs d’une montée en compétence massive. L’Afrique doit former des talents pour ses propres besoins, non pour les marchés étrangers.
Même logique pour le capital naturel. Riches en minerais, en biodiversité et en terres arables, de nombreux pays africains restent à la merci de chaînes de valeur extractives. La transformation locale des ressources, appuyée par des politiques industrielles ciblées, est désormais sur toutes les lèvres.
Gouvernance et institutions : le socle d’un développement durable
Valoriser le capital n’a de sens que si les institutions suivent. Le thème des 60e assemblées de la BAD intègre donc la dimension souvent négligée de la gouvernance : transparence, redevabilité et robustesse des États deviennent les piliers d’une croissance inclusive. À ce titre, la BAD insiste sur l’importance d’institutions capables d’absorber les financements, de piloter les réformes et d’inspirer la confiance.
Les discussions s’inscrivent également dans un contexte d’urgence climatique. La transition verte n’est plus un luxe, mais une nécessité. Le capital financier devra donc être intelligemment orienté vers des projets durables, compatibles avec l’Accord de Paris et les ambitions climatiques de l’Agenda 2063.
Les High-5 comme boussole stratégique
Ce recentrage sur le capital africain ne se fait pas sans boussole. La stratégie décennale 2024-2033 de la BAD s’appuie sur ses désormais célèbres High-5 : éclairer l’Afrique, nourrir l’Afrique, industrialiser l’Afrique, intégrer l’Afrique, et améliorer la qualité de vie des Africains. Ces cinq axes servent de cadre à une mobilisation stratégique des ressources.
À Abidjan, le ton est donné : l’Afrique veut reprendre la main sur sa destinée économique. Il ne s’agit plus d’attendre des solutions extérieures, mais de construire un modèle fondé sur ses propres forces. Ce changement de paradigme, s’il est mis en œuvre de façon cohérente, pourrait faire de cette décennie un véritable tournant.