LES RUMEURS : UN PHÉNOMÈNE SOCIAL UNIVERSEL…
Généralement, elles surgissent autour d’un individu, d’un groupe d’individus ou d’une organisation, lorsque le corps social dans lequel ceux-ci évoluent manifeste un intérêt pour un événement les concernant sans pouvoir l’interpréter.
En Côte d’Ivoire, comme partout ailleurs, les rumeurs ne se présentent pas uniquement comme des événements sporadiques et pathologiques, symboles d’une société en crise. Elles se révèlent plutôt comme de véritables formes communicationnelles, en témoigne la réification des concepts tels que « kpakpato » (commère) ou « affairage » (commérage).
Ainsi, que l’on soit une célébrité ou un parfait inconnu, un homme public ou un citoyen lambda, nous avons déjà fait l’expérience des rumeurs, soit en tant que propagateur, soit en tant que victime.
… POUVANT DÉGRADER L’IMAGE DE SOI…
Les coûts sociaux liés à l’éclosion et à la propagation des rumeurs peuvent, en effet, être hautement préjudiciables, voire dramatiques pour les hommes, femmes, groupes ou organisations qui en font l’objet. En effet, qu’elles soient fondées ou non, les rumeurs – par la ventilation d’informations incomplètes, erronées, désavantageuses ou tout simplement non autorisées qu’elles rendent possible – peuvent, selon les cas, contribuer à ruiner une (brillante) carrière professionnelle, à détruire une vie de couple, à salir une réputation ou une image construite patiemment au prix de multiples efforts.
Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler comment les rumeurs concernant les infidélités du célèbre joueur de golf américain Tiger Woods lui ont fait perdre – par la dégradation de son image qu’elles ont occasionnée – ses sponsors, le capital sympathie du public sportif américain et bien évidemment son épouse.
Pour être convaincu(e) de leur dangerosité, il suffit également d’analyser la manière dont certaines rumeurs sur la prétendue frivolité de telle artiste féminine ou encore l’appartenance de tel homme politique aux organisations mystico-religieuses ont modifié nos perceptions et attitudes vis-à-vis de ces derniers.
… MAIS QUE L’ON PEUT COMBATTRE
On peut le dire sans ambages, les rumeurs en tant qu’« autoroutes du colportage » sont d’impitoyables saboteurs de réputation que tout individu s’en trouvant victime doit combattre afin de redorer son image. Facile à dire qu’à faire dans la mesure où lutter contre les rumeurs est une entreprise laborieuse et sans garantie de succès.
L’on peut, néanmoins, y faire face en usant de stratégies avant ou pendant leur émergence et leur propagation.
En premier lieu, l’individu faisant l’objet des rumeurs peut manifester une sorte de dédain pour celles-ci dans l’espoir qu’elles s’épuisent et meurent d’elles-mêmes. En outre, il est possible d’apporter un démenti qui, pour être efficace, doit être répété autant de fois que possible et porté par un émetteur crédible. La troisième option stratégique consiste à changer l’image des rumeurs, c’est-à-dire leur donner un caractère inacceptable, voire immoral ou en cherchant les incohérences, les impossibilités grossières qu’elles comportent.
Étant donné que l’émergence des rumeurs découle de la volonté du corps social de compenser un manque de sens au sujet d’un événement, il importe que la victime donne elle-même du sens à ses actions (montrer qu’il n’y a rien à cacher, clarifier les situations ambiguës), afin de couper court aux ragots.
Serge Gohou (sociologue)