Qui pourrait douter de l’importance des amis, ces êtres chers avec qui l’on tisse des liens parfois plus forts que ceux liés à la consanguinité ? Ils sont au cœur de nos vies, présents dans les moments fastes mais aussi pendant les traversées du désert.
Toutefois, aussi longues et profondes qu’elles soient, les amitiés que nous entretenons avec les autres demeurent fragiles. Elles sont susceptibles d’être déconstruites à tout moment, car le conflit est consubstantiel à toute relation sociale. Même les meilleurs amis du monde peuvent se séparer, ruinant ainsi des années d’interactions pourtant mutuellement bénéfiques.
Cette réalité vient nous rappeler que les amis ne sont pas des personnes qui sont apparues ex nihilo dans nos vies. L’amitié est une forme particulière de rapport à l’autre. Contrairement aux liens « subis » comme la condisciplinarité, la collégialité ou le voisinage, les liens d’amitié ne s’imposent pas aux acteurs concernés. Les amis sont des gens que nous avons choisis sur la base de certains enjeux, de la concordance de centres d’intérêt, de passions communes, de qualités appréciées…et de défauts tolérés. C’est ce qui explique que nous ne nous lions pas d’amitié avec tout le monde. Volontairement ou de manière inconsciente, nous élaborons les critères de sélection de ceux que nous considérons comme nos amis.
Mais l’homme est un être complexe qui change indéfiniment. Les enjeux, les centres d’intérêt ou les qualités qui constituent le ciment de l’amitié évoluent imperceptiblement au fil des années. Quand ce liant vient à disparaître partiellement ou entièrement, les tensions peuvent survenir et aboutir à une rupture. Pour garder ses amis, il est donc nécessaire d’entretenir ce ciment relationnel. Cela est possible si les amis augmentent la fréquence de leurs interactions, comme se voir ou s’appeler plus souvent. Même en cas de « refroidissement » de l’amitié, les concernés doivent conserver des contacts plus ou moins fréquents qui pourront favoriser le réchauffement de leurs relations.
En outre, plus l’intimité est grande entre des amis, plus fortes sont les chances que leurs relations perdurent.
Cela implique de partager avec nos amis les moments les plus importants de notre vie (mariage, soutenance, anniversaire…) et de solliciter leurs conseils en cas de besoin. Il est également fondamental de montrer nos émotions lorsque nos amis traversent des moments joyeux ou malheureux. Cette attitude empathique renforcera assurément l’affection qu’ils ont pour nous.
Enfin, il faut ajouter que les amis doivent veiller à se « renvoyer l’ascenseur ». Lorsque les services rendus ne sont pas réciproques, lorsque l’un donne beaucoup plus que l’autre, on sort peu à peu de l’amitié pour tendre vers des rapports d’allégeance qui favorisent des relations toxiques.
Évidemment, ces actions ne constituent pas une panacée dans la mesure où diverses contingences menacent les relations amicales. Toutefois, elles peuvent permettre de garder ses amis pour peu que les parties impliquées dans la relation amicale souhaitent vraiment conserver leur amitié.
Serge Gohou (sociologue, contributeur)