Essie Kelly nous plonge également dans les histoires colorées de femmes modernes ne reculant devant rien, de femmes battantes balisant à coup d’argent la vie de leurs hommes, de femmes encore qui font front aux préjugés, qui n’oublient pas que le seul feu à craindre est la haine qui dévore ceux qui se plaisent à juger sans essayer de comprendre.
Dans ce voyage au pays des femmes, il arrive à l’auteure de couvrir presque l’injustifiable. Tel est le cas dans la nouvelle La faiseuse d’anges où Essie Kelly questionne le thème de l’avortement d’une voix bien singulière. Une ex-sage-femme qui, dans une autre vie, aidait à donner la vie, fait le choix courageux d’aider les femmes à mieux vivre en les débarrassant des blessures qu’elles ont eues au contact des hommes.
Dans les silences de sa maison, elle les aide à se débarrasser du poids de grossesses malheureuses, honteuses. Mais, cela n’est pas sans conséquence. La plus grande souffrance, lit-on, est ressentie par les femmes qui essaient d’avoir un enfant sans succès et se rappellent subitement la fois où, encore gamines, elles étaient allées voir un docteur des rues. En raclant leurs entrailles, ils ont crevé leurs rêves.
L’adultère et ses effets dévastateurs sont aussi mis en exergue. La nouvelle Sous tes yeux dénonce les rapports sexuels incompréhensibles qu’un homme entretient avec sa fille, fut-elle adoptive ! Pendant ce temps, l’épouse est complètement ignorée, car elle a fait son temps. Et le narrateur de lui dire, le cœur en peine : « Il viendra te rejoindre en silence, se couchant dans le même lit, mais à des mètres de toi. À la fois si proches l’un de l’autre et si éloignés, comme si la promiscuité constituait un danger ».
L’éducation des enfants dans une Afrique moderne, qui se cherche et qui est en quête de repères, attire l’attention de l’auteure. Avec la nouvelle Mon sang, l’auteure pose la problématique de la fragilité de cette éducation qui pose plus de problèmes aux parents qu’elle n’apporte de solutions. Les femmes qui aiment les femmes le font mieux que les hommes, dit également le narrateur. Lorsqu’Essie Kelly aborde le délicat sujet du saphisme dans la nouvelle Aba, elle ouvre les portes sur un sujet encore caché en Afrique. « Je découvre aujourd’hui qu’il y a des choses que l’on ne recherchait pas et qui, pourtant, une fois acquises, nous offrent un bonheur insoupçonné. »
Avec ce recueil de onze nouvelles (BLACK DANDY, MON ENVIE, LA FAISEUSE D’ANGES, CE TOI QUI A FUI MON MOI, L’HOMME FORT, LA REVANCHE, LE PIGEON, LA FEMME INDEPENDANTE, SOUS TES YEUX, MON SANG, ABA), Essie Kelly met le doigt sur des sujets reliant la femme à ses victoires, à ses peurs, à ses douleurs de femme. La femme y est souvent l’instrument et la victime de ses blessures.
Quant à Essie Kelly, elle montre qu’elle est porteuse d’une écriture délicieuse, pleine d’avenir, qui questionne jusqu’au silence des femmes ! Elle prend de l’altitude et force le respect.
À juste titre, pour le présent ouvrage, elle a remporté le tout nouveau Prix littéraire Horizon récompensant les meilleures promesses des Belles-Lettres ivoiriennes. Chapeau bas l’artiste !
À très bientôt, avec un autre ouvrage tout aussi croustillant.
La rédaction