L’on pourrait facilement l’écouter toute une journée, sans se lasser, tellement il sait communiquer sa passion du jeu vidéo. Pourtant rien ne le prédestinait à devenir concepteur dans le divertissement : Quand j’étais au Lycée Scientifique de Yamoussoukro, je rêvais d’être pilote d’avion.
Cette passion pour l’aviation sera de courte durée. Arrivé en France pour les classes préparatoires pour les grandes écoles d’ingénieurs je fus attiré tout de suite par l’informatique, mais surtout par tout ce qui touchait les réseaux de télécommunication. A notre époque, déjà en terminale, nous avons pu bénéficier grâce aux autorités de cours d’initiation à l’informatique à l’ex-INSET.
C’est ainsi qu’après mon diplôme d’ingénieur en Génie Electrique à Rouen j’ai fait un mastère en Réseaux télécoms a l’Institut National des télécommunications à Evry Dans le sud de Paris.
Même si son parcours semble s’être dessiné facilement, c’est à force de persévérance et de courage qu’il a pu se faire une place dans ce milieu dans lequel il n’était pas forcément favori. En Europe il fallait batailler très fort en tant qu’étranger et Africain pour faire partie des élites et accéder aux grandes écoles d’ingénieurs, d’autant plus qu’il y avait un quota pour les étrangers. Pendant mon master en Réseaux télécoms, j’ai eu l’opportunité de faire un stage d’un an chez Alcatel à Vélizy dans le sud de Paris dans le département Réseaux ATM hauts débit suivi d’un contrat à durée déterminée d’un an.
UN NOUVEAU DEPART
Mais sa volonté d’apprendre et de s’ouvrir à d’autres horizons le pousse à tenter l’aventure canadienne. « Pendant mon contrat, j’ai entrepris des démarches d’immigration au Québec au Canada. A la fin de mon contrat je devais choisir entre revenir en Côte d’Ivoire ou aller au Canada. Et un de mes oncles m’a dit ceci : La Côte d’Ivoire est ton pays, tu pourras toujours revenir quand tu le souhaites. Va chercher de l’expérience et reviens plus tard le partager avec tes frères ivoiriens. J’ai trouvé ce conseil très sage et j’ai immigré au Canada. A mon arrivée à Montréal au Canada j’ai continué à travailler dans mon domaine en Télécommunications à Nortel Télécoms à Montréal », confie-t-il.
A la faveur de la crise dans le secteur des télécommunications en 2001, le groupe UBISOFT décide d’élargir ses activités en se lançant dans la conception de jeux en réseaux. C’est un nouveau tournant dans sa carrière. « Avec mon expérience en réseaux télécoms, je me suis retrouvé du jour au lendemain dans ce monde du divertissement que je ne connaissais pas du tout. J’ai donc commencé à travailler dans le groupe technologie comme programmeur logiciel en réseaux. Ceci m’a mis tout de suite en contact avec plusieurs grands acteurs et j’ai commencé à voyager en Asie pour faire connaitre notre logiciel et former les ingénieurs à l’intégration de notre module dans les jeux de UBISOFT », poursuit Emmanuel Yao.
L’aventure commencée à distance va s’accentuer, après un certain temps de collaboration. « UBISOFT SHANGAI m’a fait une offre, celle de venir travailler à Shanghai pendant 2 ans comme Leader Online. De la Chine, je me suis donc retrouvé à UBISOFT Singapour où j’ai commencé comme Technical Operation Lead. Après ce projet je travaille en ce moment sur notre jeu de réseaux comme Producteur Associé », se souvient Emmanuel.
« Mais ce n’est pas aisé de vivre tous ces changements, surtout quand l’on est confronté en permanence à des cultures différentes. Ce n’est pas toujours facile de s’adapter mais je crois qu’il y a plus de positif dans chaque rencontre. Dans mon travail le défi quotidien est de produire des jeux de qualité avec des personnes de formation et de culture différentes en respectant nos cahiers de charge et délai de livraison du produit. Dans nos différences nous avons néanmoins des similitudes. Ça me rappelle une anecdote, lors de mon tout premier à Séjour en chine en 2007, la demoiselle dépêchée pour m’accueillir à l’aéroport a failli s’évanouir quand elle a vu débarquer et s’avancer vers elle avec un grand sourire un Noir. En effet, elle pensait venir accueillir un Chinois Yao et non un Africain, c’était assez marrant. Ma famille et moi, partout en Asie sommes confrontés à cette réaction de surprise, tantôt avec les chauffeurs de taxi et même des collègues qui au départ m’écrivent en chinois. En passant, je joue le jeu car je parle aussi le chinois », dit-il.
L’AFRIQUE POURQUOI PAS ?
L’opportunité du reportage que lui a consacré France 24 a été, l’occasion de se faire connaitre par ses pairs ; une sorte de reconnaissance de son travail, qui fait de lui une fierté pour son pays et son continent. Mais surtout un modèle de persévérance et de détermination pour les plus jeunes. Il faut que la jeune génération sache qu’elle a accès de nos jours a des informations que nous n’avons pas eu la chance d’avoir en notre temps. L’internet qui a révolutionné le monde, est une grande bibliothèque disponible pour tous.
Donc la connaissance est présente. Il faut maintenant savoir l’exploiter en fonction de son rêve. Il faut du courage et de la volonté pour réaliser ses rêves. Rien n’est Simple, C’est normal d’échouer quelque fois en cours de route, on doit apprendre de nos erreurs et construire le succès de demain.
Si cette jeunesse a pris conscience de son rôle dans le devenir de ce continent qui nous est cher, elle a besoin de s’appuyer de formation et de coaching. Ma plus grande réalisation serait de mettre à la disposition de mes jeunes frères et sœurs ivoiriens voire africains mes connaissances et leur donner des conseils. La conception des jeux vidéo en Afrique n’existe pratiquement pas tandis qu’ailleurs dans le monde (en Asie, en Europe, en Amérique), les jeux vidéo constituent une industrie en plein essor, générant plus d’argent que le cinéma. Pourquoi est-ce que l’Afrique doit être en marge de cette opportunité ?
« Alors si je peux aider mon pays mon continent à prendre un envol dans ce domaine je serai plus que ravi et honoré », résume-t-il.
La rédaction