Nous sommes habitués dans nos églises à voir des représentations de la Résurrection qui montrent le Christ sortant triomphalement du tombeau. De fait, la Résurrection du Christ est bien un triomphe et la manifestation éclatante de sa victoire définitive sur la mort. Cependant, face à cette majesté, nous ne devons pas seulement avoir une attitude d’admiration, ni même une attitude de fascination respectueuse qui nous tiendrait encore un peu à distance.
La résurrection du Christ, majesté et familiarité
La résurrection du Christ, tout en étant un mystère grandiose, est aussi un mystère de proximité et d’intimité. Dans l’Évangile de Jean, le Christ ressuscité apparaît sans distance et de façon familière à ses disciples. Il va jusqu’à leur préparer le petit-déjeuner sur le rivage : « Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain » (Jn 21, 9). C’est Jésus-Christ ressuscité lui-même qui les appelle à entrer dans cette familiarité : « Venez déjeuner » (Jn 21, 12).
La résurrection
du Christ, miséricorde pour notre faiblesse
La résurrection
du Christ manifeste bien une victoire, mais une victoire qui a rendu le Christ
encore plus proche de nous – aussi proche que celui qui partage le poisson
braisé avec nous au petit matin. Une telle victoire, qui est éclatante et en
même temps toute proche, est en réalité celle de la miséricorde. En effet, la Résurrection
du Christ atteste que Dieu est venu reprendre l’Homme jusque dans sa misère la
plus profonde, qu’il est venu le chercher jusque dans la déchéance de la mort.
Telle est bien la miséricorde de Dieu : la toute-puissance au service de la
plus grande faiblesse.
Aussi, le
Christ ne manifeste pas sa puissance de ressuscité à ses disciples sans
manifester simultanément sa proximité et son attention vis-à-vis de leur
fragilité. La Résurrection du Christ ne nous écrase pas, elle nous fait
ressentir que Dieu nous aime jusque dans notre mort, c’est-à-dire jusque dans
notre plus grande faiblesse. Le Christ ressuscité rassure ses disciples dans la
douceur : « La paix soit avec vous ! »
(Jn 20, 19).
Cette
miséricorde de la résurrection du Christ est éminemment personnelle. À travers
la résurrection du Christ, Dieu nous fait comprendre qu’il se penche sur notre
misère, comme il s’est penché sur celle du Christ en sa mort, comme si nous
étions l’unique pour lui. De fait, lorsque Jésus parle de la Résurrection aux
sadducéens – qui n’y croient pas –, il leur rappelle que Dieu a dit : « Je suis
le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » (Mt 22, 32), et qu’il n’est pas « le
Dieu des morts, mais des vivants » (Mt 22, 32). Le Dieu qui ressuscite les
morts n’est pas un Dieu lointain qui regarderait tous les Hommes de haut, il
est le Dieu d’Abraham, le Dieu de telle personne avec qui il a fait une
alliance définitive. Il est mon Dieu qui ne me laissera pas dans la déchéance
de la mort parce qu’il m’aime comme l’unique.
La résurrection
du Christ, invitation à la conversion
Vivre de la résurrection,
ce n’est donc pas seulement admirer la victoire et la majesté du Christ
vainqueur de la mort, c’est avant tout être convaincu que la toute-puissance
miséricordieuse de Dieu est à l’œuvre de façon personnelle et sans réserve en
chacun de nous. Vivre de la Résurrection du Christ, c’est donc vivre de la
miséricorde extrême de Dieu pour nous-mêmes et pour les autres à travers tout.
À chaque
fois que nous faisons oeuvre de miséricorde, nous annonçons la résurrection du
Christ, capable de faire toutes choses nouvelles dans nos misères. À chaque
fois que nous pardonnons dans le Christ, nous proclamons que la toute-puissance
de la résurrection est plus grande que notre coeur, qu’elle est capable de
faire une création nouvelle, non seulement dans nos tombeaux physiques, mais
également dans les tombeaux de nos relations humaines marquées par la trahison
et la bêtise.
La résurrection
du Christ n’est pas un spectacle, elle est une invitation à prendre appui sans
relâche sur la miséricorde toute puissante de Dieu. En définitive, la Résurrection
est une invitation pressante à la conversion et à la miséricorde : « […] afin
que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous
vivions nous aussi dans une vie nouvelle » (Rm 6, 4).
Frère Thibault